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                                                                                 Le sage, indigné, les harangue ;
                                                                                 Le sot plaint ces fous hasardeux ;
                                                                                 Les enfants leur tirent la langue
                                                                                 Et les filles se moquent d'eux.

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                                                                                Et maléfiques en effet,
                                                                                Ils ont l'air, sur les crépuscules,
                                                                                D'un mauvais rêve que l'on fait

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                                                                               Crispant la main des libertés,
                                                                               Ils nasillent des chants bizarres,
                                                                               Nostalgiques et révoltés ;

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                                                                              Rit et pleure - fastidieux -
                                                                              L'amour des choses éternelles,
                                                                              Des vieux morts et des anciens dieux !

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                                                                            Errez, funestes et maudits,
                                                                            Le long des gouffres et des grèves,
                                                                            Sous l'oeil fermé des paradis !

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                                                                            Pour châtier comme il le faut
                                                                            L'orgueilleuse mélancolie
                                                                            Qui vous fait marcher le front haut,

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                                                                            Des vastes espoirs véhéments,
                                                                            Meurtrit votre front anathème
                                                                            Au choc rude des éléments.

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                                                                           Gèlent votre chair jusqu'aux os,
                                                                           Et la fièvre envahit vos membres,
                                                                           Qui se déchirent aux roseaux.

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                                                                           Et quand la mort viendra pour vous,
                                                                           Maigre et froide, votre cadavre
                                                                           Sera dédaigné par les loups !
Grotesques  Paul VERLAINE

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                                                                                 A peine gardons-nous de tes amours défunts,
                                                                                 Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
                                                                                 Y laisse d'âme et de parfums.

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                                                                               Indolentes autour du col le plus aimé ;
                                                                               Avant d'être rompu leur doux cercle fragile
                                                                               Ne s'était pas même fermé.

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                                                                              A quoi bon s'attarder dans ton enivrement,
                                                                              Si, comme dans la mort, nul ne peut sous tes ombres
                                                                              Se plonger éternellement ?

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                                                                               Avec les longs dédains d'une belle fierté,
                                                                               Pour la dernière fois, à l'odeur de la tombe,
                                                                               Vous aurez déjà palpité.

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                                                                               Vous épanouissant lorsque nous vous baisons,
                                                                               Quelques feux de cristal en quelques nuits brûlantes
                                                                               Sèchent vos brèves floraisons.

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                                                                             Le plus long des baisers trompe notre dessein ;
                                                                             Et comment appuyer nos langueurs infinies
                                                                             Sur la fragilité d'un sein ?
                                                                       Le désir  Anatole FRANCE

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